La philosophie du vigneron
Le Domaine Marcel Deiss a choisi il y a plus de 40 ans de consacrer ses efforts à l'émergence d'une viticulture de Lieu en Alsace alors que le cépage était perçu à cette époque comme une modernité absolue. Pourquoi avoir fait ce choix à contre-courant, et qu'est-ce qu'un Haut-lieu viticole que l'on appelle aussi Terroir ?
C'est un concept profondément français, subtil comme savent l'être notre philosophie et notre langue. Un concept multifactoriel, très complexe, fait d'interactions fines entre le lieu lui-même, dans ses caractéristiques physiques et métaphysiques ; les pratiques du vigneron, ses rêves et ses fantasmes, sa personnalité. C'est par essence un objet en mouvement, un work in progress jamais fini, toujours réinventé mais pourtant totalement fonctionnel. Prégnant pour celui qui plante la vigne, celui qui la conduit, incontournable pour celui qui vinifie, central enfin celui qui déguste.
Le vigneron de Terroir adapte sa démarche aux caractéristiques naturalistes du lieu (géologie, pédagogie, climatologie, ensoleillement, réserve en eau, etc...)
Pour qu'un Terroir s'exprime pleinement, totalement dans le vin, passant outre même parfois les attentes du vigneron, il importe que les ressorts intimes qui lient pour chaque lieu, le sous-sol, le sol, le ciel, les plantes et le paysan soit libérés des causalités techniques simplistes, des conformismes routiniers et par-dessus tout des classifications caricaturales des Lumières.
C'est ce que se propose de réussir le point de vue biodynamique, qui s'adresse non aux choses visibles, concrètes et tangibles mais plutôt à l'arrière plan invisible qui les accompagnent : ce qui lie infiniment petit au cosmos tout entier. Ce monde invisible qui pourtant agit sur nous, nos humeurs, nos joies et nos craintes, agit sur la terre, le sol, les plantes et les animaux, et ne peut être atteint que par l'intention pure.
C'est grâce aux préparats biodynamiques et plus que tout à l'envie prégnante de les mettre en oeuvre, que nous atteignons ce monde parallèle et trouvons, après avoir renoncé à la domination technologique que la Nature, notre planète légitime de paysan dans la création agricole. L'envie de trouver sa place, rien que sa petite place dans le grand tout, est la posture naturelle du paysan, qui vit un temps long, la chaîne des générations qui façonne le paysage et en même temps la finitude de toute condition humaine.